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Conférence        2006



LE COMMERCE EQUITABLE
Romain VIGNES, animateur du réseau des groupes locaux de MAX HAVELAAR France
(notes prises à partir de l’exposé)

Un rapide aperçu historique
Fonctionnement général
Fonctionnement international
Les différents acteurs
La fédération dans le monde
Un exemple: le café
Comment s'engager
Questions
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Le contexte de nos interventions, c’est l’agriculture des agriculteurs du monde qui travaillent à la main, sont sous-alimentés, manquent d’informations sur les marchés, sur les chaînes de production, de transformation et de distribution, dont ils sont le maillon faible : situation de sous-développement dramatique, notamment par la baisse des prix qui entraîne aussi une sur-exploitation des sols. Notre approche globale est de contribuer à l’autonomie économique et sociale des producteurs et des travailleurs agricoles des pays du Sud en leur permettant l’accès aux marchés internationaux. Mais notre mission est aussi de sensibiliser les scolaires, les consommateurs, les politiques, aux enjeux des échanges Nord-sud, étant donné qu’à terme la finalité est politique pour tendre à modifier les règles du commerce international. La finalité est bien politique, mais le moyen pour arriver à cette finalité est d’ordre économique.


UN RAPIDE APERÇU HISTORIQUE

Dans les années 1960 en Angleterre se sont ouvertes des boutiques à OXFAM, ce fut « le commerce alternatif ». Puis en France en 1974, l’Abbé Pierre a lancé les magasins « Artisans du Monde ». MAX HAVELAAR commence en 1986 grâce à une communauté dans le Chiapas au Mexique soutenue par un prêtre ouvrier, FRANZ VANDERHOFF, qui a dit à ses partenaires ONG du Nord : « Voilà vous nous aidez ponctuellement pour construire un puits, une école…mais le véritable soutien ce serait d’acheter notre café à son prix juste pour que nous soyons nous-mêmes acteurs de notre développement ».
C’est cette philosophie qui a permis de créer MAX HAVELAAR.
En 1988, Nico ROOZEN d’une ONG aux Pays Bas et Franz VANDERHOFF créent l’association MAX HAVELAAR aux Pays Bas et le premier café portant l’appellation MAX HAVELAAR est vendu (venant de cette communauté, la coopérative UCIRI).
MAX HAVELAAR France a été créée en 1992, à l’initiative d’Ingénieurs sans Frontières et du CICDA (Centre international de Coopération pour le Développement Agricole), ainsi que de Peuples Solidaires.
En 1998, une campagne "Exigez des produits éthiques" lancée par Agir Ici et le CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement), a permis d’introduire les produits labellisés dans les grandes surfaces. A cette même époque, le mouvement se structure avec la plate-forme du Commerce Equitable qui en rassemble tous les acteurs en France et au niveau International, crée le label du commerce équitable et les regroupe au sein d’une fédération qui s’appelle FLO (Fairtrade labelling Organisation), premier organisme international de certification.


FONCTIONNEMENT GENERAL

Dans le commerce équitable, deux démarches sont complémentaires :
D’un coté la famille du label pour travailler avec les acteurs économiques traditionnels en place et avoir un impact en volume.
De l’autre, une famille des boutiques pour créer une alternative globale au commerce actuel en allant jusqu’à un réseau de distribution différent.
Le label traduit un concept de développement et de renforcement des organisations, très important et déterminant.
L’un des aspects du commerce équitable est de renforcer les associations de producteurs et de rassembler les producteurs, les consommateurs, les acteurs industriels et les acteurs commerciaux.
Pour le producteur, c’est un outil pragmatique de développement et d’autonomie pour soutenir les débouchés de ses produits.
Pour le consommateur c’est une façon de participer à une autre vision de la mondialisation et d’en être acteur.
Pour les acteurs commerciaux, c’est faire du développement durable tout en restant concentrés sur leur métier. Les acteurs industriels n’ont pas forcement toutes les informations et tous les outils pour pouvoir faire sérieusement du développement durable. Le but est de leur fournir un cadre qui garantit cette notion de développement dans leur activité.


LE FONCTIONNEMENT INTERNATIONAL

La fédération FLO INTERNATIONAL va offrir un appui aux producteurs, définir des standards de commerce équitable avec les représentants des producteurs, des acteurs économiques et des initiatives nationales telles que MAX HAVELAAR France, standards qui mettent à peu près 2 ou 3 ans à se définir par produit.
Elle fait l’appui à la commercialisation, l’analyse des tendances des marchés, informe les producteurs sur les exigences de qualité pour pouvoir répondre aux demandes du marché.
Elle appuie les organisations de producteurs en les mettant en relation avec les ONG sur le terrain, avec les bailleurs de fonds dans le processus international pour qu’ils soient au cœur de l’information leur permettant de négocier et de se développer.

FLO CERT

Le niveau international appuie ainsi le développement de nouvelles filières. FLO CERT est l’organisme de certification qui va prendre les standards définis par la fédération internationale et vérifier leur application à tous les échelons de la chaîne. C’est un organisme indépendant qui prend des décisions de certifications, décidées par un comité triparti (producteurs, acteurs et initiatives nationales) et donne vraiment la garantie MAX HAVELAAR au vu du respect du cahier des charges contenues dans les standards de certification.

LA FEDERATION INTERNATIONALE

Des initiatives nationales présentes dans 21 pays font l’appui aux producteurs avec lesquels elles ont des relations traditionnelles. En France, notamment, c’est l’Afrique de l’Ouest, avec l’exemple de la filière du coton : nous avons été précurseurs au niveau international, au sein de la fédération. Dans cette même mission l’appui aux producteurs par notre connaissance des marchés leur donne les informations et essaie de les mettre en relation.
Une autre mission, c’est l’information et la sensibilisation des consommateurs dans les différents pays.
Dans les fonctions de FLO international, il y a garantir le respect des standards avec une partie générique, qui concerne tous les produits et une autre partie qui est spécifique à chaque produit. C’est vraiment une dynamique de développement dans le sens où il y a une exigence minimale avant de pouvoir bénéficier du label et ensuite des exigences de progrès dans la durée.
Pour qu’on puisse toucher un maximum de personnes il ne faut pas avoir d’exigences trop élevées au départ mais obtenir un engagement d’amélioration sur plusieurs critères, sociaux, économiques et environnementaux : les 3 sphères couvertes par le label.

LES DIFFERENTS ACTEURS

On distingue les acteurs certifiés de ceux qui sont agréés.
Les certifiés sont les petits producteurs ou la main d’œuvre salarié. Il faut vérifier qu’ils sont bien regroupés en organisations démocratiques, transparentes et fonctionnant bien, que les règles de l’OIT soient respectées, ainsi qu’un certain nombre de critères pour la protection de l’environnement et qu’ils sont bien dans une démarche de développement de leurs capacités de production.
De l’autre coté, les acteurs commerciaux sont agréés. Il faut vérifier qu’ils respectent bien le prix minimum, défini pour chaque produit. Si le cours mondial dépasse le prix MAX HAVELAAR, notre prix va suivre cette évolution, mais ne descendra jamais en dessous du prix plancher. Bien sur, les producteurs peuvent négocier au-dessus de ce prix s’ils ont une qualité spéciale ou s’ils sont en rapport de force favorable.
Un pourcentage de ce prix va être versé sur un compte spécifique, pourcentage fixé par une décision collective qui définit l’utilisation de cette prime de développement pour investir soit dans un outil de production, soit dans la formation, soit la création d’une école, d’une route ou dans tout ce que la communauté juge utile pour son développement.
La relation durable avec les acteurs commerciaux inclut un préfinancement des récoltes, de 50 à 60 % et un partenariat sur le long terme qui tente d’atteindre 70 % de la commande globale, avec des ajustements possibles mais dans un partenariat toujours axé sur le long terme.

CONTROLE ET FINANCEMENT

L’ensemble de la filière est contrôlé et le système se finance, par une certification au niveau des producteurs, des exportateurs, des importateurs et des concessionnaires, chacun paie le coût de certification ni plus, ni moins, dans le but de viser l’autonomie des organisations et surtout de garantir la viabilité du système pour qu’il n’y ait pas d’organisations candidates n’ayant aucune chance d’être certifiées. C’est le principe de la non-gratuité dans tout ce qui est collectif.
Les concessionnaires versent 2 % de leur prix de vente à MAX HAVELAAR France, qui va en reverser à la fédération internationale 20 % à peu près pour financer l’ensemble des activités. Il y a donc 2 moyens de financement : les coûts de certification payés de manière séparée et acquittés par les concessionnaires, et les détenteurs de licences, qui paient un droit de marque à MAX HAVELAAR France.
Il faut bien faire la différence entre ce qui a trait à la certification, la définition des standards, l’appui à la commercialisation, la sensibilisation et tout le fonctionnement international qui est payé par les grandes marques.

LA FEDERATION DANS LE MONDE

Le label MAX HAVELAAR est présent dans 21 pays. Pour l’instant, il a encore 3 noms : FAIRTRADE, TRANSFAIR et MAX HAVELAAR qui avaient des logos différents. Ils tendent vers un nom commun et depuis quelques années ont adopté un seul logo Il est intéressant aussi de voir débuter des initiatives nationales dans les pays du Sud, notamment au Brésil, en Afrique du Sud, en Inde et au Mexique.

MAX HAVELAAR France dans cette fédération a pour fonctions :
L’appui à la commercialisation par la facilitation des contacts avec les entreprises françaises,
La sensibilisation des enseignes (GMS, distribution spécialisée)
La sensibilisation des consommateurs, étant les seuls à connaître les spécificités du marché français, bien sur différent de celles de l’Angleterre ou de l’Australie.

ZOOM AU SUD

Au sud, MAX HAVELAAR international (tous les labels confondus), compte 1 million de producteurs, soit à peu près 5 à 6 millions de personnes dans 51 pays, avec environ 433 organisations de producteurs.
L’ impact social de la hausse du niveau de vie permet de produire dans de bonnes conditions, de garantir la durabilité des moyens de production, d’avoir accès aux soins et à l’éducation. C’est vraiment le seul défi durable visé.
L’impact environnemental, amène des modes de production respectueux du milieu.
L’impact économique le plus important vise le renforcement et l’autonomie des organisations en leur donnant le maximum d’informations sur les marchés et en leur montant l’intérêt des coopératives : dans ces pays, les problèmes de corruption sont très importants et entraînent une défiance des producteurs vis à vis de ce qui est collectif.
Le commerce équitable garantit la transparence des organisations, donne un vrai intérêt à ces organisations grâce aux prix garantis et aux primes de développement et petit à petit, ces coopératives se développent, se renforcent, voire s’unissent au niveau national, en union de coopératives : ce qui amène la création d’un mouvement politique important et d’un rapport de force nouveau. Le but étant que ces organisations de producteurs soient à terme à même de négocier, de décider, de faire évoluer les pratiques du commerce international même dans la relation commerciale en dehors du commerce équitable.
Par rapport à l’environnement, le label MAX HAVELAAR est complémentaire du label biologique, pour un certain niveau de protection de l’environnement et un encouragement à passer au biologique ( ??? *) Dans ce cas vous trouverez les deux labels sur les produits de consommation.

* Réserves de l’agronome, rédacteur du compte rendu

ZOOM AU NORD

Au Nord on compte 20 initiatives nationales pour 21 pays (initiative commune pour l’Australie et la Nouvelle Zélande) et 5 filières dont certaines ne sont pas alimentaires comme le coton et les fleurs coupées. Le chiffre d’affaires est passé 880 millions d’€ à plus de 1 milliard , avec des parts de marchés significatives : bananes = 50% en Suisse, café = 20% en UK et fleurs = 10% en Suisse.
En France le chiffre d’affaires est de 120 millions d’€, en progression de 70 à 90 % par an, taux expliqué par un grand retard ( 40 à 50 % au niveau international), avec 1 000 acteurs économiques agréés, 1 130 références (sachant que le coton génère énormément de références puisque chaque produit est une référence) et une consommation par habitant qui est de 1.13 €/an contre 18 € en Suisse. La marge de progrès possible en France est donc importante.
Le label est associé à la qualité même si cette notion de qualité n’est pas présente dans les standards mais les acteurs du commerce équitable ont compris la nécessité de faire des produits de qualité pour réussir.
Dans la répartition du commerce équitable en France, MAX HAVELAAR représente 73.2 % en grande distribution, 12.2 % de produits labellisées dans les boutiques « bio », dans les commerces de proximité, les commerces spécialisées. En dehors du label MAX HAVELAAR, le reste du commerce équitable représente 14.6 %, ce qui fait 85 % de volume de commerce équitable valorisés par MAX HAVELAAR.

UN EXEMPLE : LE CAFE

Prenons la décomposition du prix d’un paquet de café : la part du producteur est très infime dans le produit final : 10 % pour le petit producteur dans le café traditionnel à 20 % dans le café labellisé.
Le commerce équitable est souvent identifié à tort à la suppression des intermédiaires. Dans les faits, ils changent de nature. Avant existait un système d’intermédiaires qu’on appelait des coyotes qui allait chercher le produit au bord des champs des producteurs sans que ces producteurs soient toujours informés du cours mondial et qui ramenait ces produits dans des plates-formes logistiques près du port.
Aujourd’hui dans le commerce équitable, les intermédiaires font partie de la coopérative, ont changé de nature, ne sont pas des commerciaux, mais des salariés de la coopérative, avec une notion collective plus intéressante.
2 % couvrent les frais de gestion de coopératives.
La redevance MAX HAVELAAR est de 2 % ce qui donne une marge moins importante sur les produits du commerce équitable.
Quelle est la valeur d’un paquet de café ? Elle varie selon les catégories de produits et les secteurs de marché, entre 1.70 € et 3.20 €. A qualité égale, les produits du commerce équitable sont environ 10 % plus chers, car on travaille surtout aujourd’hui avec des PME ayant des volumes très inférieurs aux grandes multinationales. 60 % du commerce du café est détenu par 4 multinationales, qui bénéficient d’économies d’échelle et pour l’instant ce surcoût est dû à ces différences.

COMMENT S’ENGAGER ?

Ce qui est important de rappeler, c’est que le commerce équitable en France est né grâce à des clients qui ont écrit à leurs grandes surfaces pour leur dire : « les produits du commerce équitable existent, mais pourquoi mon magasin n’en a pas ? » Sur la direction d’un magasin cela a un impact certain. Cet aspect sensibilisation, chacun peut faire autour de soi.
Il y a aussi d’autres moyens de participer au développement du commerce équitable, soit en rejoignant le réseau de militants du commerce équitable .
Vous pouvez aussi au sein de votre association relayer des actions que nous menons au niveau national : par exemple « la Semaine Etudiante du Commerce Equitable » ou « la Quinzaine du Commerce Equitable ».
MAX HAVELAAR France va développer tout un tas d’outils de communication, de tracts de supports de toutes sortes, vidéos, animations pour un impact médiatique national et, au sein de votre association, vous pouvez commander gratuitement ces outils et organiser une dégustation ou une conférence-débat, sachant que pour se faire vous avez aussi la possibilité de vous appuyer sur notre réseau voire en faire partie.

LE RESEAU DES GROUPES LOCAUX

Notre réseau est constitué de 42 associations indépendantes pour l’instant , qui représentent 2000 bénévoles. Ce sont bien des associations indépendantes et non pas une fédération comme Artisans du Monde.
Ces associations sont représentées au Conseil d’Administration de MAX HAVELAAR par un collège spécifique.
Ces groupes ont une dimension régionale ou départementale.
Dans certains cas nous travaillons avec des relais locaux, comme le CCFD, qui ne sont pas considérés comme un groupe local MAX HAVELAAR et qui dépendent d’une autre association.
Ces groupes ont des activités très variées : animations scolaires, actions de communication, organisation de leurs propres évènements. Les animations dans les magasins ont un impact énorme sur les ventes : dans les 24 heures qui suivent, les volumes vendus sont multipliés par 25. MAX HAVELAAR France fait aussi des conférences, des formations, du lobbying auprès des politiques, des entreprises : il faut qu’ils consomment équitable pour sensibiliser leurs agents ou leurs salariés.
Les associations pour l’instant ont des objectifs qui restent assez variés. Elles restent soit 100 % dans la promotion du label MAX HAVELAAR, soit elles font la promotion du Commerce Equitable en général, soit elles ont une activité plus générale de Solidarité Internationale, d’Aide au Développement

REGIONALISATION - PROFESSIONNALISATION

La difficulté vient de ce que pour l’instant notre réseau est très diversifié mais nous essayons d’améliorer cette situation par une régionalisation, c’est à dire avoir des relais qui soient 100 % MAX HAVELAAR et qui pourraient travailler du coup avec différents acteurs et des relais départementaux.
Il est nécessaire aussi de nous professionnaliser, d’avoir des salariés sur notre réseau qui soient capables de gérer cette diversité et cette complexité de représenter le label, et de défendre nos positions

QUESTIONS

Qui est MAX HAVELAAR ? :

RV : C’est le héros d’un roman écrit par un Néerlandais, Eduard DEKKER en 1860 qui raconte l’histoire d’un fonctionnaire de l’administration coloniale qui a défendu les paysans et lutté contre leur exploitation.

Vous parlez pour le café mais pour d’autres grands produits agricoles, il y a 4 ou 5 firmes pour l’ensemble du commerce : comment espérez-vous vous immiscer dans ce milieu ?

RV : D’autres formes de commerce équitable veulent une alternative à ce commerce là, et vont se mettre en opposition avec les acteurs traditionnels. Notre position est de travailler avec eux, les impliquer dans cette évolution des mentalités, le changement de mode production, vu qu’une multinationale peut très bien décider de faire du commerce équitable grâce au label de MAX HAVELAAR. Elle va s’approvisionner en matières premières auprès des coopératives labellisées. Elle sera contrôlée sur le fait qu’elle paie bien le minimum et qu’elle respecte le standard du commerce équitable. Donc rien n’empêche une multinationale de faire du commerce équitable. Une multinationale qui rayonnait il y a quelques années, ne voulait même pas entendre parler de commerce équitable mais commence à s’y intéresser, étant donné que c’est un segment qui se développe. On nous reproche souvent de travailler avec la grande distribution, de faire un pacte avec le diable, mais notre cahier des charges ne change absolument pas selon l’interlocuteur et l’instrument de travail.

Combien de personnes travaillent pour vous à MAX HAVELAAR France, et quel est le budget de MAX HAVELAAR France ?

RV : Nous sommes 35 salariés et le budget est de 3 millions d’Euros, me semble-t-il.
(Informations complètes sur le site : www.maxhavelaarfrance.org)

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